Nazisme, science et médecine
Essais , Histoire , Sciences / juin 25, 2017

Nazisme, science et médecine. Christian BONAH et alii (dir.), Paris : Glyphe, 2006, 365 p. Ce livre rassemble plusieurs études visant à saisir comment la médecine a pu être saisie par le nazisme. 3 grands domaines de recherche sur le rôle et la place de la médecine dans le national-socialisme : les migrations forcées des médecins juifs ou opposants empêchés d’exercer par le régime la politique de santé publique nazie (hygiénisme, eugénisme…) les expérimentations humaines Importante valorisation de la santé et de la performance du corps au service de la nation. Assimilation de la santé du corps de l’individu avec la santé du corps social. Le régime craint donc tout ce qui est sensé affaiblir ou menacer la santé du corps social et la « perfection » de la race. Ces valeurs se retrouvent donc en arrière-plan de toute activité médicale sous le régime nazi. La politique sociale et sanitaire vise à favoriser celles et ceux à même de participer à l’amélioration du bien-être du corps social, et à écarter voire éliminer ceux qu’on juge nuisibles. L’ouvrage revient sur les différents types d’expérimentations médicales menées sur des humains par le régime nazi : recherche en génétique : reçoit des moyens importants dès…

Marianne et les colonies
Essais , Histoire / mai 24, 2017

Marianne et les colonies. Gilles MANCERON. Paris : La Découverte, 2005, 317 p. La première colonisation française remonte à la monarchie absolue. XVIIe-XVIIIe s. : colonisation française peu développée en Afrique à part quelques comptoirs côtiers. La colonisation se situe en Amérique, dans les Caraïbes ou dans l’océan Indien (Maurice, Réunion). Depuis Colbert, les colonies dépendent du ministère de la Marine ; l’absolutisme y est encore plus prégnant qu’en métropole (ex : St-Domingue est interdit aux Juifs et aux protestants). L’esclavage est encouragé par la monarchie pour développer l’exploitation du sucre dans les Antilles. Colbert impulse l’esclavage et la traite via la création de compagnies d’Etat et les primes à la traite pour les marchands (ordonnance royale de 1672 : versement d’une prime de 13 livres pour « tout nègre importé aux colonies». Le commerce triangulaire permettait aux marchands de décrocher des profits hors normes, variant de 300 à 2000%. L’exploitation du sucre représentait une source de revenus très importante pour la monarchie. St-Domingue = fleuron des colonies. En 1789, environ 500 000 habitants dont 90% d’esclaves. 20% du commerce extérieur français en valeur à la même époque. + de décès que de naissances : déséquilibre démographique sciemment entretenu avec…

La République coloniale
Essais , Histoire / avril 5, 2017

La République coloniale. Nicolas BANCEL, Pascal BLANCHARD, Françoise VERGES. Paris : Hachette Littérature, 2006, 174 p. (Pluriel) Cet essai entend mettre en évidence comment le projet colonial français a bel et bien été partie intégrante du projet républicain et s’attache à examiner comment a pu se développer cet incroyable paradoxe entre d’une part une République affirmant l’universalisme de ses valeurs (liberté, égalité, auto-détermination des peuples) tout en menant d’autre part une politique expansionniste fondée sur la discrimination, l’exploitation et la répression. Au nom de l’universalisme de ses valeurs, la France est allée asservir des peuples entiers pour les libérer malgré eux s’il le fallait, leur apporter les bienfaits de la civilisation occidentale (forcément supérieure) qu’ils l’aient ou non voulu. Toute rébellion de l’indigène est alors forcément perçue comme marque d’ingratitude devant être sévèrement réprimée. Les auteurs soulignent par exemple comment la libération des femmes des pays colonisés a pu servir de prétexte pour justifier la mise sous tutelle de populations entières, la République se posant en défenseure des droits des femmes (sans leur reconnaître le droit de vote sur son propre sol) contre la brutalité largement dénoncée des mœurs indigènes. L’ouvrage expose son propos de façon limpide et sans manichéisme….

Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot : sur les traces d’un inconnu, 1798-1876
Essais , Histoire / mars 8, 2017

Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot : sur les traces d’un inconnu, 1798-1876. Alain CORBIN, Paris : Flammarion, 1998, 343 p. Alain Corbin entreprend ici de retracer la biographie d’un inconnu, d’un anonyme : Louis-François Pinagot, sabotier analphabète ayant vécu au XIXe siècle à la lisière de la forêt dans la commune d’Origny-le-Butin, dans l’Orne, au cœur du Perche. Corbin entend ainsi « recomposer un puzzle à partir d’éléments initialement dispersés ; et ce faisant, d’écrire sur les engloutis, les effacés, sans pour autant prétendre porter témoignage ». L’intérêt réside justement dans cette façon de recueillir les traces minimes qu’aurait pu laisser Pinagot, dans les archives de sa commune, les documents militaires ou les archives d’état civil. Face au vide laissé par cet anonyme, Corbin procède en essayant de cerner, de recomposer ce que pouvait être l’environnement immédiat de Pinagot. Il s’attarde ainsi sur la géographie et la topographie des endroits qu’il fréquentait, les paysages de cette campagne normande, les évolutions au fil du siècle de cette forêt bellêmoise qu’il n’a pas pu ne pas observer. Dans la lignée de ses travaux sur les paysages sonore et olfactif des hommes du passé, Corbin essaie de retracer ce que Pinagot pouvait entendre au…

Des savants face à l’occulte
Essais , Sciences / janvier 25, 2017

Des savants face à l’occulte. Bernadette BENSAUDE-VINCENT et Christine BLONDEL (éd.), Paris : la Découverte, 2002, 231 p. (Sciences et société) Recueil d’articles décrivant comment la séparation entre science et para-science était beaucoup plus trouble et floue entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle. Alors que les principes de la méthode scientifique se mettent en place et dans une époque prétendument rationaliste, les phénomènes occultes suscitent l’intérêt de nombreux chercheurs qui entendent les étudier comme des faits scientifiques. De Pierre Curie qui consultait l’une des plus célèbres médiums de l’époque au médecin Charles Richet qui, parallèlement à ses recherches sur l’anaphylaxie qui lui valurent le prix Nobel, chercha longtemps à observer des fantômes notamment à la célèbre villa Carmen à Alger. Une des contributions évoque Camille Flammarion, astronome et grand vulgarisateur qui s’intéressa toute sa vie aux phénomènes spirites. Cet intérêt apparaît plutôt logique dans une époque où la science découvrait de nombreux phénomènes qu’elle peinait à expliquer, dont les ondes (magnétiques ou radio) et le rayonnement de la matière. On pouvait donc émettre aussi l’hypothèse que l’esprit pouvait diffuser des ondes qui seraient susceptibles de la matière. Les para-sciences furent peu à peu repousser à la…

Glam rock : la subversion des genres
Essais , Musique / septembre 28, 2016

Glam rock : la subversion des genres. Philip AUSLANDER, La Découverte, 2015, 333 p. (La Rue Musicale) L’auteur analyse le glam-rock comme antithèse du rock psychédélique ou de la vision hippie de la contre-culture : au glam, la théâtralité et l’artifice revendiqué, à la contre-culture 60’s le culte de l’authenticité. Pas d’excentricité dans les prestations scéniques, la musique doit refléter le moi profond et authentique de son auteur. Les artistes glam au contraire se plaisent à user des costumes, des masques, du maquillage, revendiquent de jouer un rôle et de multiplier les identités (le parangon étant évidemment David Bowie) côté contre-culture, derrière la libération sexuelle, primauté de la norme hétérosexuelle et conception plutôt conservatrice du rôle de la femme (on insiste sur la place naturelle des femmes, proche des enfants, etc.). Le glam lui fut un vrai moyen d’expression des sexualités hybrides et de la confusion des genres, revendiquant chez tous les principaux porte-flambeaux du mouvement la libre construction de son identité sexuelle (en opposition donc au primat de la Nature chez les hippies par exemple) niveau musical, le glam-rock se référait très nettement au rock des pionniers 50’s, qui n’hésitaient pas à faire le show ou à jouer également…

Le chercheur et la souris
Essais , Sciences / août 31, 2016

Le chercheur et la souris : la science à l’épreuve de l’animalité. Georges CHAPOUTHIER et Françoise TRISTANI-POTTEAUX, CNRS éditions, 2013, 207 p. Résumé (extrait de la 4e de couverture) : « Françoise Tristani-Potteaux raconte le parcours de Georges Chapouthier, neurobiologiste et philosophe qui a vécu cette difficile contradiction. Elle revisite son œuvre, analyse les événements, les interrogations et les désarrois qui l’ont conduit à devenir, tout en poursuivant une brillante carrière scientifique, un militant des droits de l’animal. » Ce que j’ai appris (en vrac) : Georges Chapouthier, né en 1945, est issu d’une famille d’érudits, avec un père archéologue et professeur de grec ancien et une mère professeur de lettres classiques. Le meilleur ami de Georges Chapouthier durant sa scolarité au lycée Montaigne à Paris fut un certain Patrice Chéreau qui lui fit partager sa passion pour le théâtre et le cinéma. Chapouthier a conduit sa thèse sur un sujet qui paraissait à l’époque prometteur mais qui s’est avéré au final ne pas « marcher » : le transfert de mémoire d’un individu à l’autre par voie chimique. On soumet des animaux à un certain apprentissage, puis un extrait de leur système nerveux central est injecté à d’autres animaux receveurs pour étudier si…