Nazisme, science et médecine

juin 25, 2017

Nazisme, science et médecine. Christian BONAH et alii (dir.), Paris : Glyphe, 2006, 365 p.

Ce livre rassemble plusieurs études visant à saisir comment la médecine a pu être saisie par le nazisme. 3 grands domaines de recherche sur le rôle et la place de la médecine dans le national-socialisme :

  • les migrations forcées des médecins juifs ou opposants empêchés d’exercer par le régime
  • la politique de santé publique nazie (hygiénisme, eugénisme…)
  • les expérimentations humaines

Importante valorisation de la santé et de la performance du corps au service de la nation. Assimilation de la santé du corps de l’individu avec la santé du corps social. Le régime craint donc tout ce qui est sensé affaiblir ou menacer la santé du corps social et la « perfection » de la race. Ces valeurs se retrouvent donc en arrière-plan de toute activité médicale sous le régime nazi. La politique sociale et sanitaire vise à favoriser celles et ceux à même de participer à l’amélioration du bien-être du corps social, et à écarter voire éliminer ceux qu’on juge nuisibles.

L’ouvrage revient sur les différents types d’expérimentations médicales menées sur des humains par le régime nazi :

  • recherche en génétique : reçoit des moyens importants dès les années 1920 puis devient prioritaire après 1933. Recherche sur les maladies héréditaires, la façon de sélectionner, produire des membres performants pour le corps social et d’éliminer progressivement ceux/celles atteint-e-s d’une tare. Les expériences de Mengele à Auschwitz ont été menées sous l’autorité de Verschuer, célèbre généticien qui poursuivit une carrière universitaire après la guerre. Les travaux de Mengele n’étaient pas les lubies criminelles d’un savant fou mais entretenaient un lien profond avec les préoccupations scientifiques de l’époque
  • recherche sur la médecine et la chirurgie militaire (expériences pratiquées par exemple sur des femmes à Ravensbruck)
  • recherche sur les épidémies et les vaccins (tests de vaccins contre le typhus à Buchenwald)
  • recherche sur la médecine aéronautique
  • recherche sur l’effet des gaz de combat (notamment menées au camp alsacien de Struthof)

Une des études présentées ici vise à tracer un parallèle entre les carrières divergentes de deux spécialistes de statistique appliquée à la génétique et la médecine : Felix Bernstein, juif contraint à l’exil aux USA et Siegfried Koller qui fit carrière dans le régime nazi (travaux sur les groupes sanguins).

Mengele

Cas emblématique, sans doute le plus connu des médecins tortionnaires nazis. Mengele était tout à fait intégré à la communauté scientifique allemande. Mena des études de médecine et d’anthropologie. A 28 ans, devient assistant du brillant généticien von Verschuer. Thèse sur la transmission héréditaire de la fente palatine (bec-de-lièvre). Mengele intègre la SS en 1938 au sein de laquelle il mène une brillante carrière militaire : plusieurs séjours au front comme médecin de troupe. Il participe au siège de Stalingrad dont il est évacué peu de temps avant la reddition de l’armée de von Paulus. Nommé en 1943 médecin du camp d’Auschwitz.

But des recherches et expérimentations conduites par Mengele : améliorer la fiabilité des certificats raciaux. Difficile de déterminer scientifiquement la race = problème pour un régime qui se fonde sur ce critère. Qu’est-ce que le sang juif ? Qu’est-ce qu’un sang dégénéré ? Qu’est-ce qu’un sang aryen ? Ces recherches sur la signature de la race dans le sang sont conduites sous l’impulsion de von Verschuer.

Expériences en Alsace

Conduites par Otto Bickenbach sur les gaz de combat.

Expériences médicales réalisées à la faculté de médecine de l’Université de Strasbourg par August Hirt. Hirt chercha à réunir une collection de crânes et de squelettes juifs avant l’anéantissement de la race. Ces travaux furent largement poussés par l’Ahnenerbe SS (institut de recherche pluridisciplinaire piloté par la SS sur les questions liées à la race : anthropologie, génétique, etc.). Pour sa « collection », des prisonniers d’Auschwitz sont sélectionnés, transférés au camp de Struthof où ils seront tous gazés avant que leurs corps soient mis à disposition des recherches de Hirt. Devant l’avancée des troupes alliées en 1944, Himmler demande d’évacuer les cadavres de l’Institut d’anatomie et d’effacer toutes les traces de ces recherches. En vain, les restes de 86 cadavres seront retrouvés et inhumés à Strasbourg fin 1945.

Eugénisme nazi

La loi du 14/07/1933 ordonne la stérilisation de toute personne atteinte d’une maladie héréditaire.

Eugénisme = pensée très répandue au début du XXe siècle (effet des avancées en génétique depuis Mendel, peur de la dégénérescence des sociétés humaines…). De nombreux pays ont adopté des lois eugéniques visant à la stérilisation forcée des aliénés ou de certaines catégories de criminels : 29 Etats US en 1930, Suède, Allemagne, canton de Vaud en Suisse…).

Action T4

Programme d’extermination des handicapés mentaux et des malades des asiles psychiatriques décidé directement par Hitler en 1939-1940. Environ 70000 morts avant que l’action ne stoppe devant les protestations de l’Eglise catholique allemande. L’action T4 est officiellement arrêtée en août 1941 mais l’extermination des « vies indignes d’être vécues » se poursuivra d’une façon ou d’une autre jusqu’en 1945.

En France, pas d’extermination systématique des malades mentaux dans les asiles psychiatriques sous Vichy mais les asiles furent particulièrement touchés par les restrictions et de nombreux malades moururent de faim ou de manque de soins.

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