La mezzanine
Littérature / février 21, 2021

Nicholson Baker. La mezzanine, Paris : Robert Laffont, 2008 (1e éd. 1990), 245 p. (Pavillons Poche) A l’instant même où je donnais subitement sur plus de ciel bleu que de camion vert, je me rappelai que quand j’étais petit, je m’étais beaucoup intéressé au fait que n’importe quel objet, pour grossier, rouillé, sale ou discrédité qu’il fût, prenait fière allure si on le disposait sur un tissu blanc, ou sur un quelconque support propre. Cette pensée m’apparut simplement précédée des mots « quand j’étais petit », et de l’image d’une certaine cheville rouillée provenant d’un rail de chemin de fer que j’avais trouvée et disposée sur le sol de ciment du garage, soigneusement balayé. (La poussière de garage pénètre dans les imperfections du ciment, quand on la balaie, et forme un revêtement lisse et doux.) Cette astuce du support propre, que j’avais découverte vers l’âge de huit ans, ne s’appliquait pas uniquement à mes possessions personnelles, comme cet ensemble de brachiopodes fossilisés que j’avais installé sur un carton de chemise blanc, mais aussi aux objets de musée : si les conservateurs disposent géodes, paires de lunettes des Premiers Américains et décrottoirs de bottes dans un écrin de velours noir ou gris, c’est…