Russell Banks American Darling, Actes Sud, 2005, 393 p. Mais j’avais passé trop de temps à me plonger dans ces romans et nouvelles du Sud, et pendant de nombreuses semaines de ce premier été ils m’ont fourni le miroir dans lequel je voyais l’endroit où j’étais venue et les gens, noirs et blancs, qui y vivaient. En fin de compte – et c’est ce qui se produit invariablement -, la littérature a été délogée par la réalité, mais pendant un certain temps ma vie quotidienne a connu la clarté, l’intensité et la certitude de la fiction (p. 23) Dans un premier temps nous parlions de masque à masque comme le font tous les amoureux – et ces longues heures de discussion, les semaines et les mois passant, transformaient peu à peu, atome par atome, le masque de l’autre en véritable visage et rendaient le masque qu’on portait soi-même aussi invisible à soi qu’à l’autre. C’était ainsi qu’on arrivait à ne plus sentir les masques et à renouveler la connaissance qu’on avait de soi. J’ai pensé : C’est donc cela, être amoureux ! Je comprends. On devient quelqu’un de tout neuf ! Quelqu’un d’inconnu. (p. 110) C’est cela, le véritable Rêve…