Francis Scott Fitzgerald, Tendre est la nuit, Paris : Belfond, 1985 (édition originale : 1934)
Ils se déplaçaient avec précision et circonspection, comme le fait une main qui ramasse des éclats de verre. Personne ne semblait avoir réussi, ni de lui-même, ni en groupe, à maîtriser complètement cet environnement, alors que le propriétaire d’une œuvre d’art, aussi hermétique soit-elle, réussit toujours à la maîtriser. Personne ne semblait savoir très exactement ce que représentait cette pièce, car elle marquait un passage, une évolution vers quelque chose d’autre, qui serait tout sauf une pièce. C’était donc aussi délicat de s’y déplacer que de monter un escalier roulant trop bien encaustiqué.
p. 97
Lorsqu’on s’habitue à l’indifférence, ou qu’on la laisse s’atrophier, on finit par se sentir vide. Dick s’était habitué à se sentir vide de Nicole, et il la soignait contre sa volonté, en refusant toute contrainte émotionnelle. On dit des cicatrices qu’elles se referment, en les comparant plus ou moins aux comportements de la peau. Il ne se passe rien de tel dans la vie affective d’un être humain. Les blessures sont toujours ouvertes. Elles peuvent diminuer, jusqu’à n’être plus qu’une pointe d’épingle. Elles demeurent toujours des blessures. Il faudrait plutôt comparer la trace des souffrances à la perte d’un doigt, ou à celle d’un œil. Peut-être, au cours d’une vie entière, ne vous manqueront-ils vraiment qu’une seule minute. Mais quand cette minute arrive, il n’y a plus aucun recours.
p. 213
Pas de commentaire