Norman Mailer. Le combat du siècle, Paris : Denoël, 2008 (1e éd. 1975), 324 p. (Folio)
Notre sage avait un défaut : il ne s’excluait pas de ses écrits. Non content de décrire les faits dont il était témoin, il évoquait aussi le petit effet que lui-même produisait sur le cours de ces événements. Ce vice avait le don d’irriter les critiques, qui parlaient de nombrilisme et des aspects peu attrayants de son narcissisme. De telles attaques ne l’atteignaient guère : il avait déjà eu une histoire d’amour avec lui-même, qui avait demandé une bonne part de sa capacité à aimer. Il n’était plus aussi enchanté de se fréquenter, en fait. Il trouvait ses réactions quotidiennes sans intérêt : elles ressemblaient de plus en plus à celles des autres.
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D’autres boxeurs avaient une présence plus vaste qu’eux, ils avaient du charisme à offrir. Foreman, lui, avait du silence. Cela vibrait autour de lui, en silence. Il n’avait pas vu d’hommes pareils depuis trente ans, ou plus. Depuis l’été où il avait travaillé dans un hôpital psychiatrique, Norman n’avait plus approché quiconque pouvant rester aussi longtemps debout sans un geste, mains dans les poches, avec des coffres de silence dans sa caverne de trésors.
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