Il était une ville

février 2, 2021

Thomas B. Reverdy Il était une ville, Paris : Flammarion, 2015, 270 p.

Il aurait fallu crier pour s’entendre mais la peur, l’excitation, la fascination pour le feu, la stupéfaction devant ses ravages, l’inquiétude, ce mélange de jubilation et d’angoisse qu’on appelle l’inquiétude, d’être les auteurs en quelque sorte d’un événement trop grand pour eux, tout cela leur fermait la bouche et le coeur. Et quoi crier, quand on ne sait même pas bien ce que l’on ressent au juste, si ce n’est un frisson d’effroi qui n’a pas de nom. Jouissance du mal, plaisir coupable, ce ne sont pas des sentiments de gosses. Mais peur sans doute, peur, non pas du péché dont ils étaient innocents, mais que ce soit si facile. Que personne n’ait pu l’arrêter.

p. 31

Il y a plein de raisons d’en vouloir à son employeur, si ce n’est à son entreprise.
On peut se lasser, tout simplement. On dit « j’en ai fait le tour », comme si le travail n’était qu’un truc de hamster. C’est nous qui en avons fait notre cage, peut-être, mais on ne s’y supporte plus.
On peut ne pas s’entendre avec les collègues. Ou alors ce sont eux, avec nous. On est asocial, ou ils sont tous jaloux. Mais de quoi ?
On peut avoir l’impression qu’on n’est pas à sa place ou qu’on méritait mieux. Mais plus ça va, plus c’est trop tard.
On peut avoir un chef qui se comporte vraiment comme un con. Ca arrive. Le genre qui veut tout contrôler ou qui règne par la terreur. L’humiliation en réunion. Les arbitrages arbitraires. Les vexations. Le pouvoir. Il insulte sûrement ses gosses.
Ou alors c’est le métier qui est trop dur.
On peut y laisser sa santé. Ou sa famille.
On peut être un rebelle. C’est dur.

p. 95

Les espèces évoluent en permanence, selon le jeu de mutations génétiques hasardeuses, mais l’hypothèse de la reine rouge observe que ces évolutions se font en parallèle. Chaque espèce évolue en même temps que les autres. Chacune court sur place, parce que le monde autour d’elle court, et elle pourrait aussi bien s’éteindre à tout moment parce que le rapport de forces ne bascule jamais définitivement en sa faveur, la sélection naturelle devenant le fruit, non d’une évolution vers un mieux objectif, mais d’une coévolution aveugle et hasardeuse.

p. 217

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