La vie clandestine

mars 10, 2023

Monica Sabolo La vie clandestine, Paris : Gallimard, 2022, 318 p.

J’ai lu quelque part que le souvenir n’est pas le souvenir de l’instant T où l’événement a eu lieu, mais le souvenir de la dernière fois où le souvenir a surgi. Nos souvenirs sont des souvenirs de souvenirs de souvenirs.

p. 35

Contrairement à ce que tout le monde semble croire désormais, parler n’est pas toujours une bonne idée. Parler est dangereux. Les mots entraînent d’autres mots en retour. Des mots pour vous faire taire, vous faire passer l’envie de recommencer. Tant que je ne posais pas ces questions auxquelles, de toute manière, personne n’avait l’intention de répondre, je pouvais tenir debout. Le pire n’était pas certain. La violence n’était pas nommée, et je souriais comme on agite un drapeau blanc pour se soumettre au vainqueur. Il y avait néanmoins un prix à payer : je ne pouvais plus m’approcher de qui que ce fût.

Dans une certaine mesure, j’emploie encore ce procédé aujourd’hui. Le meilleur moyen de ne pas être déçue, enragée ou désespérée par une réponse consiste encore à ne pas poser la question.

p. 225

Je me demande si tous les messages qu’on envoie ne finissent pas par être déroutés. Si les réponses aux questions que nous posons ne parviennent pas à d’autres, qui ont posé d’autres questions, et reçoivent une réponse, pas tout à fait la bonne, quand ils ne l’attendent plus. Les mots empêchés resurgissent, en un autre lieu, un autre temps. Tel pourrait être l’emblème de cette histoire : un oiseau, un message arrimé à la patte, qui aurait mis près d’un demi-siècle à trouver un destinataire.

p. 257

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