Howard S. Becker. Outsiders : études de sociologie de la déviance, Paris : Métailié, 1985, 248 p.
Ouvrage fondateur renouvelant l’approche de la sociologie de la délinquance et de la déviance en général. Howard S. Becker se situe dans une approche interactionniste, en ce qu’il étudie les interactions entre les individus.
Becker étudie par observation participante le milieu des musiciens de jazz et des consommateurs de marijuana.
Le comportement déviant ne résulte pas selon lui de facteurs sociaux influant sur les individus mais exige aussi un processus d’étiquetage par la société du comportement déviant. Pour qu’il y ait déviance, il faut que l’acte ait été défini comme déviant par une société. Becker s’intéresse au rôle des « entrepreneurs de morale », à savoir les groupes de pression qui cherchent à faire reconnaître des comportements comme déviants à un moment donné. Tout comportement déviant résulte donc de l’action de ces entrepreneurs de morale qui vont peser pour que le(s) comportement(s) qu’ils ou elles ciblent soi(en)t reconnu(s) comme déviant(s) par les normes législatives ou morales.
Pour être reconnu comme « déviant », un acte doit avoir été étiqueté comme tel à l’occasion d’une interaction sociale.
Becker insiste aussi sur la notion de carrière déviante. Le délinquant ou le déviant apprend à pratiquer son activité déviante et à se construire une représentation de cette activité visant à la rendre acceptable / à la justifier à ses yeux (par exemple un voleur va considérer que son acte est légitime au vu du niveau de rapacité du système ou de corruption de la société). La délinquance ou la déviance sont donc des processus d’apprentissage social qui nécessitent une redéfinition de l’identité sociale de l’individu.
On relèvera cette citation de Georg Simmel sur la notion de « réserve » :
Si les contacts objectifs avec un nombre incalculable de gens déclenchaient autant de réactions subjectives que dans les petites villes, où chacun connaît presque toutes les personnes qu’il rencontre et se trouve réellement en rapport avec elles, l’individu serait soumis à une complète atomisation intérieure et à un état mental inimaginable. C’est en partie ce fait psychologique, en partie aussi le droit à la méfiance que possède tout homme face aux aspects fugitifs de la grande ville, qui rendent nécessaire notre réserve. Cette réserve entraîne fréquemment que nous ne connaissons même pas de vue ceux qui ont été nos voisins durant des années. C’est aussi cette réserve qui nous fait paraître froids et insensibles aux yeux des habitants des petites villes. En fait, si je ne me trompe pas, l’aspect subjectif de cette réserve objective n’est pas seulement l’indifférence, mais, plus souvent que nous n’en avons conscience, c’est une légère aversion, une étrangeté et une répulsion mutuelles, qui se transformeront soudain en haine et en frayeur à l’occasion d’un contact plus étroit, quelle que soit la cause de celui-ci. […]
Cette réserve, avec sa nuance d’aversion cachée, s’avère aussi être la forme ou le masque d’un phénomène plus général qui caractérise l’esprit de la grande ville : elle garantit à l’individu un type et un degré de liberté personnelle qui n’ont d’équivalent dans aucune autre situation.
Extrait de The sociology of Georg Simmel, textes choisis et présentés par Kurt H. Wolff (1950), cité p. 147.
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